La Planche : BLACK Studio

Coucou les amis, vous le savez, je suis en vacances cette semaine, cela dit, j'avais tout de même envie de vous proposer un petit quelque chose, je me suis dit qu'un nouvel épisode de La Planche pouvait être sympa, non ?! 

Je l'avais teasé depuis plusieurs semaines, c'est le collectif B.L.A.C.K Studio qui passera au grill cette fois-ci, l'occasion d'en apprendre plus sur les boulots de lettreur et traducteur. C'est donc Martin et Anaïs qui répondront donc aux questions du jour. Voici donc, ce petit entretien :

1. Reprenons du début, pouvez-vous nous raconter votre parcours dans un premier temps (pro mais aussi comment vous êtes tombés dans le manga) ?!

Martin : Comme une grosse majorité de trentenaires, je suis née avec le Club Dorothée le mercredi matin. Comme j’étais un gros lecteur de BD franco-belge, je me suis vite intéressé aux premières sorties mangas de Glénat, telles qu’Akira, Dragon Ball, etc. J’ai suivi les parutions de très près, entre J’ai Lu, Kana, Glénat, et Tonkam, avec les séries les plus populaires. J’ai participé aux premières conventions japonaises parisiennes et j’ai été un membre actif de l’association de doublage amateur GotohWan (pour ceux qui s’en souviennent). J’ai même été chroniqueur manga pendant un an dans une petite émission japanim’ d’une radio associative parisienne que personne n’écoutait, ALigre FM ! Le manga et le Japon m’ont accompagné tout au long de ma scolarité, jusque pendant ma formation de graphiste, après le bac, à l’EPSAA. J’ai travaillé deux ans dans la pub puis j’ai démissionné pour partir vivre au Japon avec Anaïs. Entre-temps, Aurélien (ex-membre du BLACK Studio) m’a initié au métier de lettreur/retoucheur, que je ne connaissais pas, mais qui était totalement en adéquation avec ma formation. Maintenant, avec Catherine, nous sommes deux au pôle lettrage.

Anaïs : À la base, j'ai un profil purement littéraire. Ma mère est bibliothécaire, alors j'ai grandi dans les rayonnages de bouquins, à lire dans la réserve de la bibliothèque. Je lis énormément depuis toute petite. De la littérature, des bandes dessinées, mais pas de mangas. Je les ai découverts plus tard, avec Martin, qui était passionné et m'a fait découvrir ce qui, dans les années 2000, était les grands classiques. À cette époque, la France découvrait aussi Miyazaki ainsi que les productions des studios Ghibli et j'ai été fascinée. J'ai dévoré des séries entières de mangas et j'avais la chance de ne pas avoir à attendre les sorties puisque j'avais des piles et des piles de volumes à rattraper. Pour ce qui est de ma formation, j'ai d'abord fait des études de linguistique. En parallèle, j'ai commencé à apprendre le japonais avec un membre de ma famille qui est japonais, mais je ne prévoyais pas du tout de devenir traductrice, j'apprenais par pure passion des langues. Après ma maîtrise, je me suis inscrite aux Langues'O où j'ai passé une licence de japonais et puis on est partis vivre à Tokyo. Nous sommes deux traductrices au BLACK Studio, Claire et moi. On a toutes les deux étudié à L’INALCO, mais c’est au Japon qu’on s’est rencontrées.

 

 

 

2. Si j'ai bien suivi Black Studio est un collectif qui propose des services comme la traduction, le lettrage...(combinés ou non) aux éditeurs pour un résultat plus cohérent, j'ai bon ?! Comment est venue l'idée ?

C’est exactement ça. Avant de partir au Japon pendant un an, nous rêvions de travailler ensemble, Anaïs à la traduction, et Martin au lettrage. Nous trouvions ça fou, mais finalement c’était très cohérent. C’est en découvrant la chaîne éditoriale que ça nous a paru évident : les traducteurs et les lettreurs sont généralement très isolés alors qu’ils travaillent sur le même ouvrage. Ils ne connaissent pas les autres acteurs qui contribuent à adapter un volume et ignorent tout de leurs problématiques. Si le lettreur et le traducteur travaillent directement ensemble, dans un premier temps, cela supprime les communications intermédiaires qui consomment du temps et de l’énergie, puis ils tirent profit de leurs expériences mutuelles et organisent leur façon de travailler pour se faire gagner du temps l’un et l’autre.

C'est très utile pour les onomatopées, par exemple. Quand elles sont traduites, les traducteurs ne savent pas vraiment ce que ça va donner dans la page ou comment l'onomatopée et les lettres qui la composent vont s'harmoniser avec les images. Les traducteurs n’ont pas l’analyse graphique de tout ça et c'est là que le partenariat est utile. Nous échangeons sans cesse sur nos métiers, sur nos choix et cela nous permet de mieux comprendre et de mieux appréhender les tâches qui nous sont propres ainsi que la chaîne de travail dans son ensemble.

De même, un duo traducteur/lettreur est capable de travailler deux fois plus vite que la normale, car, en répartissant les charges de travail, ils peuvent travailler en même temps sur le même manga, au lieu d’y travailler l’un après l’autre comme c’est d’ordinaire l’usage. On peut faire des essais, retravailler les onomatopées et les textes hors bulle au fur et à mesure pour que le résultat visuel soit irréprochable et que le lien entre lettrage et traduction soit parfait, soudé. Mais ce travail coordonné nécessite que les prestataires se connaissent très bien et se fassent confiance.

En tout cas, c’est une de nos possibilités, mais nous nous plions aussi aux exigences et aux habitudes des éditeurs qui préfèrent souvent superviser le processus éditorial, ce qui se comprend très bien. Du coup, des duos du collectif travaillent parfois sur les mêmes mangas, et des fois non. On travaille même parfois à deux traductrices sur la même œuvre, cela nous offre une très grande finesse de lecture et d'adaptation. Nous savons très bien nous adapter au cas par cas, car chaque projet est différent.

Être un studio permet aussi de travailler en s’aidant les uns les autres, dans le même corps de métier. Nos traductrices peuvent partager leur expérience sur des questions de langue, peaufiner ensemble les jeux de mots, tandis que les lettreurs se passent des astuces de retouches et de méthodologie et s'échangent des polices typographiques. Nous nous améliorons et nous progressons ensemble.

 

 

3. Pour les non-initiés au milieu de l'édition, la fabrication (ou adaptation) d'un manga reste souvent un mystère. Est-ce que vous pouvez expliquer un peu à nos lecteurs les différentes étapes avant qu'un tome n'arrive sur nos étalages ?

Nous n'avons pas la main sur toutes les étapes fondamentales de la production, car nous ne connaissons que le point de vue des prestataires extérieurs. En tout cas, pour nous, tout commence quand l’éditeur vient nous proposer un (ou plusieurs) titre(s) à traduire et/ou à lettrer. À moins qu’il ait une demande spécifique, nous nous répartissons nous-mêmes les titres acceptés au sein du studio et nous en informons l’éditeur pour valider le planning de chacun.

Lorsqu’il doit commencer, le traducteur reçoit le livre en V.O. et l’indexe avec des stylos et des feutres en numérotant chaque bulle, chaque texte et chaque onomatopée. Plus l'indexation est propre et claire, plus c'est pratique pour tout le monde. Ensuite, il le traduit en prenant soin de respecter la charte de traduction de l’éditeur (signaler les types de textes, tels que les cris, les pensées, les textes hors bulles, etc.). Une fois son travail terminé, il renvoie « l’indexé » par la Poste (l’indexé, c’est le livre V.O. avec le texte numéroté, qui a pris une valeur inestimable, car c'est le repère qui servira à tous les autres acteurs !) et son fichier texte à l’adaptateur, une personne travaillant souvent chez l’éditeur (parfois en free-lance aussi), qui doit relire le travail pour corriger les fautes, les oublis et modifier des tournures de phrases s’il l’estime nécessaire.

L’adaptateur renvoie « l’indexé » et la traduction au lettreur lorsqu’il a terminé sa relecture. Il envoie également les « datas », qui sont tous les éléments numériques confiés par l’éditeur japonais (les planches du manga scannées en haute définition, et d’autres éléments indispensables). Le lettreur va alors devoir « retoucher » les planches pour effacer les textes japonais, supprimer éventuellement des onomatopées japonaises et concevoir les françaises. Ensuite, il monte le fichier de mise en page avec toutes les planches et place (en copiant-collant) les textes français du traducteur. Il donne les bons « styles de paragraphes » aux textes (cris, pensées, hors bulles…), dispose les textes de façon harmonieuse dans la bulle, minimise les césures pour une lecture agréable, puis rend son fichier, les planches modifiées et l’indexé à l'adaptateur.

Ce dernier va encore une fois vérifier s’il n’y a pas d’erreur ou d’oubli, et éventuellement modifier encore une fois la tournure des phrases car, une fois lettré, on discerne encore mieux ce qui fonctionne à la lecture. Quand tout est prêt, le PDF définitif est envoyé au traducteur, qui effectue une dernière relecture, qui voit son texte en bulles pour la première fois et peut effectuer de derniers ajustements avant de donner un BAT (Bon à tirer). Enfin, une fois validé par l’adaptateur, tout le dossier part à la section « Fab » (fabrication) de l’éditeur, qui se charge de corriger techniquement tout ce qui doit l’être pour fournir un fichier d’impression aux normes et incontestable à l'imprimeur.

 

 

4. On pose parfois la question à nos invités, la qualité d'édition a beaucoup évolué depuis les débuts du manga en France. De votre côté comment faites-vous pour fournir un "meilleur" travail, est-ce une question d'organisation ? De nouveaux outils ?

Nous ne faisons pas partie de la première génération de prestataires dans le milieu du manga. Quand nous sommes arrivés, la qualité était déjà une préoccupation majeure pour la plupart des éditeurs, les outils ainsi que les méthodes mis en place étaient déjà très performants et éprouvés. Cependant, nous cherchons toujours à aller plus loin et nous partons du fait que tout est toujours perfectible. Notre préoccupation, c'est la fidélité absolue à l'œuvre. Notre travail, c'est de transposer parfaitement, invisiblement, les intentions de l'auteur pour que le lecteur français ressente les mêmes émotions que le lecteur japonais, même si sa subjectivité et son prisme culturel sont différents. Dans le fond, pour fournir un « meilleur » travail, nous nous efforçons de mener une réflexion poussée sur les enjeux de notre rôle vis-à-vis du lecteur, en nous appuyant sur nos bagages littéraires et créatifs.

D'un point de vue pratique, la qualité en traduction, à notre niveau, ça consiste à considérer qu'on n’a jamais fini d'apprendre. Cela implique de se tenir informés des théories de la traduction et d'entretenir des connaissances linguistiques pointues, d’autant que la langue évolue tout le temps. Le français est d'une telle richesse qu'on n’en a jamais vraiment fait le tour. Le traducteur, pour être un bon passeur, doit savoir maîtriser les infinies subtilités de cette langue, savoir manier des styles différents, l'humour, la structure et l'implicite. Il doit savoir endosser la subjectivité de l'auteur et de ses différents personnages et parvenir à s'effacer derrière. Le style a une véritable influence sur l'effet final du texte. Le traducteur a un pouvoir fort sur le ton du texte. Et chacun sait qu'un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. :-)

Quant au lettrage, l’expérience créative est vivement recommandée. Savoir dessiner n’est pas un « plus », c’est une base. Il faut avoir la sensibilité suffisante et la technique pour retoucher au mieux les planches lorsque c’est nécessaire. Pour produire de belles onomatopées, au style identique à celles de l’auteur, il faut également une très bonne culture de la BD occidentale pour déterminer les bons placements et les bonnes formes d’onomatopées françaises. Mais ce n’est pas tout, car notre travail ne s’arrête pas là. Lorsque nous disposons le texte, nous nous devons de rendre la lecture la plus confortable possible et cela implique de limiter les césures le plus possible tout en respectant la forme de la bulle. Chaque bulle est retravaillée au mot près afin de générer un impact maximum et un déchiffrage minimum.

 

5. La mode est aussi à la consommation sur d'autres supports comme les tablettes et autres "liseuses", est-ce que la méthodologie de travail sur ce genre de support diffère ?

Concrètement non, notre travail n'est pas assujetti à ce média différent. Il reste beaucoup de réflexions à mener sur ce sujet pour l'édition en général.

Par contre, cela peut influencer dans le cadre des publications simultanées, où l’éditeur doit fournir à son lectorat un chapitre traduit et lettré dans un laps de temps assez réduit. Notre studio n’a pas encore été sollicité pour ce type de demande, mais il se peut que nous soyons faits pour ça, finalement ;) (#Question2)

 

6. J'imagine que vous êtes aussi des "mangavores" et du coup, qu'est-ce qui fait office de classique pour vous ? Des bonnes surprises en 2015 ?

Pour les classiques, nous adorons Urasawa qui est un maître de la narration du manga contemporain. Nous sommes aussi très fans de Takehiko Inoue pour son sens de l’histoire et son trait de génie. Kamimura pour sa poésie cruelle. Sans oublier Taiyô Matsumoto, évidemment, et de nombreux mangakas talentueux.

Mais plus l’âge avance et plus notre préférence se porte sur les titres d’auteurs moins populaires, plus seinen, plus indé, plus uniques. Ça peut sembler très « corporate » comme avis, mais dernièrement notre coup de cœur se tourne vers « Born to be on air! » chez Pika (avec la chance de travailler sur ce titre !), et « Saltiness », traduit aussi par Anaïs et édité chez Akata.

Lorsque nous voyageons au Japon, nous aimons beaucoup traîner dans les manga-kissa. Nous dévorons les nouveautés ou les mangas inconnus, juste pour le plaisir. Il nous est arrivé de tomber sur des perles sur lesquelles nous aimerions beaucoup travailler !

 

 

7. Question bête peut-être, mais quand on travail dans l'édition, est-ce qu'on arrive à profiter d'un produit (livre,dvd etc etc..) sans forcément penser au boulot (voir les défauts, ce dire j'aurais fait ceci cela..) ?

C’est une vraie question pour nous. Concrètement non, nous ne pouvons plus lire nonchalamment une pile de mangas en version française comme nous le faisions avant. Ça nous empêche de profiter pleinement de la lecture, car il est difficile de ne pas analyser chaque détail à tout bout de champ. On s'interroge sur ce qu'on aurait fait, sur ce qui nous fait tiquer, sur telle ou telle tournure, telle onomatopée. On se demande si le son retranscrit est vraiment juste et on se prend à réfléchir à ce qu'on aurait choisi et pourquoi, puis au bout de deux minutes, on s'aperçoit qu'on est complètement sortis du récit. C'est vrai même lorsque le travail réalisé est excellent. On se prend à le décortiquer, à s'émerveiller sur un choix de mot ou une retouche graphique complexe, et pouf, nous revoilà sortis de l'histoire. Pour la traduction, ça s'applique à tous les médias, des sous-titres aux localisations de jeux vidéo. Notre vie de lecteurs insouciants est derrière nous et ça nous manque beaucoup.

On ne retrouve ce plaisir-là que lorsque nous lisons de nouveaux titres en japonais, là où nos corps de métier ne sont pas encore intervenus.

 

 

8. Quand il s'agit d'adapter ou de traduire, dans quelles mesures le traducteur a le champ libre ? Est-ce que les éditeurs mettent souvent leur veto (sur le choix de vocabulaire notamment) ? Je me rappelle des fameux "points" (au lieu de "buts") dans "Captain Tsubasa" qui avaient fait rugir beaucoup de monde, comment ce genre "d'erreurs" peut passer ?

Anaïs : En fait, je trouve qu'on travaille plutôt main dans la main avec les éditeurs. On ne peut pas parler de véto, mais plutôt de dialogue et de réflexion. J'aime beaucoup échanger avec l'adaptateur et le responsable de la série. On discute de tel ou tel choix, c'est un échange avant tout. Tout le monde travaille ensemble pour obtenir le meilleur résultat possible et c'est en ça qu'il est important d'avoir plusieurs paires d'yeux qui lisent le texte avant sa validation. Le traducteur seul aurait bien du mal à avoir le recul suffisant sur un texte qu'il a pris à bras le corps, sur des tournures qu'il a travaillées et retravaillées. En plus, au bout d'un moment, on ne voit plus certaines choses, on a besoin d'un regard neuf. C'est en cela aussi que travailler avec les lettreurs et d'autres traducteurs est génial. Entre traductrices, on échange tout le temps, on se pose des questions, on réfléchit à deux et on confronte nos points de vue. Par la suite, le lettreur apporte lui aussi son regard, une lecture très différente, détachée des questions linguistiques pointilleuses, mais soucieuse de l'impact visuel, de l'effet général de l'histoire. Il a parfois la vue d'ensemble qu'on a perdue à force de travailler dans les tranchées.

Pour revenir à ces fameux termes (ou choix) qui ont fait et font parfois rugir les lecteurs, je crois que c'est la multiplicité de ces regards qui permet de les éviter. L'autre corde à notre arc, c'est d'être des passionnés et des lecteurs avertis de mangas. Et enfin d'avoir un respect infini pour les lecteurs. Prendre soin d'une traduction, c'est connaître ses limites et savoir aller chercher les informations auprès de ceux qui savent mieux que nous. Dans L-DK, par exemple, il y a des petits passages qui traitent du basket. Ce n'est pas mon univers et pour rien au monde, je ne me permettrais de traduire les termes au hasard, sans trop réfléchir. Je suis allée voir un ami qui est entraîneur pour connaître la terminologie et ce qui s’utilise le plus en France. Lui-même est lecteur de mangas et je sais qu’il apprécie quand la terminologie sportive est pointue. C’est parfaitement compréhensible. Moi-même, en tant que lectrice, je suis exigeante, alors j’essaye, du mieux que je peux, de l’être tout autant quand je traduis. De la même façon, sur certains titres comme Frau Faust ou encore Spiritual Princess, je passe beaucoup de temps à faire des recherches sur les pratiques religieuses, sur le shinto, le bouddhisme et la mythologie. La clé, c’est de ne rien faire « à la va-vite ». Chaque détail nécessite que l’on soit sûr de sa terminologie.

 

 

9. Pour qu'il n'y est pas de jaloux, question pour les lettreurs. ;P La fameuse question qui fait tend débat, onomatopées traduites ou non ?! Certains prônent la traduction total, d'autres trouvent que ça dénature l’œuvre. D'ailleurs quelles est la marge de manœuvre sur un logo par exemple faut-il qu'il reste vraiment fidèle à l'original (ouais je fais deux question en un quelques part c'est mon interview je fais ce que je veux ) ?

Martin : Navré, mais il n’y aura qu’une réponse pour les deux questions car un lettreur/retoucheur ne s’occupe pas des logos. En général, c’est le pôle graphique éditorial qui s’en charge. Même si j’en réalise pour des entreprises en tant que graphiste free-lance, à côté du lettrage, je ne pourrais pas m’exprimer pour eux. 

À propos du débat des onomatopées, je propose de poser d’abord les bases. Dans le métier, on utilise les termes « remplacer » ou « retoucher » pour parler d’une onomatopée japonaise qui va complètement disparaître au profit d’une française. On utilise le terme « sous-titrer » pour parler des petites traductions d’onomatopées qui seront glissées à côté des japonaises sur la planche française.

Je trouve que ce fameux choix entre les deux techniques est devenu un faux débat désormais, car cela dépend totalement de la décision de l’éditeur et de la nature du manga édité. Même s’il est considéré comme acquis que l’onomatopée fait partie intégrante du dessin et qu’il faut les conserver, il faut bien avouer que ça reste des signes incompréhensibles pour la grande majorité des lecteurs (moi y compris), sans parler du sens inverse de lecture qui en repousse d’autres, non avertis. Si l’éditeur pense que son titre peut toucher un public hors du cercle des adeptes de manga, car sa nature s’y prête bien, ou s’il est destiné à un public enfant très jeune, alors il pourra faire le choix de faire remplacer l’intégralité des onomatopées japonaises par des françaises, et aussi, éventuellement, de retourner le sens de lecture en sens occidental. Ce fut le choix pour plusieurs des Taniguchi ou des titres J.P. Nishi, par exemple. C’est une bonne idée pour diffuser mieux l’œuvre et ça sert la cause du manga en France, même si certains peuvent considérer ça comme une entorse à l’adaptation fidèle.

En temps général, moi, j’aime beaucoup le sous-titrage d’onomatopées. Il faut que ce soit toujours fait dans le respect de l’œuvre et qu’elle reste dans un style identique à l’original, afin de reproduire les mêmes sensations. Le meilleur du meilleur, c’est lorsque l’onomatopée est complexe, travaillée et… belle. Même si cela demande plus de travail, je ne rechigne jamais à la tâche car je prends un plaisir immense à en créer un clone français, une véritable traduction graphique. J’adore ces moments-là.

 

YOKOZUKA QUARTET © Suzuhito Yasuda / KODANSHA Ltd. CAVALE VERS LES ETOILES © 2014 Ryôma Nomura by Kodansha Ltd.
 

10. On ne change pas les bonnes habitudes, on termine avec un "C'est quoi la suite" pour vous ?

Croître et conquérir le monde, bien entendu. :-) Mais ça c’est pour demain ! Pour le moment, nous avons atteint un rythme palpitant rempli de propositions de divers éditeurs que nous remercions à chaque fois. Nous avons la chance de travailler sur plein de projets nouveaux et de genres différents avec des défis et des difficultés toujours nouveaux. Nous sommes plus que comblés par cette confiance ! Pour la « suite », Anaïs et moi avons une petite envie de diversification, et de nous essayer aux comics depuis quelque temps et Anaïs à la littérature japonaise. L’avenir nous dira si nous aurons cette chance un jour.

Aujourd’hui, on va continuer d’essayer de travailler avec de nouveaux éditeurs. Nous aimons le manga autant qu’eux et nous avons très à cœur de bien faire notre métier. Pour la suite, on a juste envie de continuer à travailler sur de beaux projets, des titres qui nous passionnent et de nous améliorer pour produire des éditions encore plus belles.

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