French Drama !

Après s'être illustré sur la scène manga amateur jusqu'à être à l'origine de la plateforme Shared Manga des éditions Kana maintenant tombée aux oubliettes mais qui avait su faire parler d'elle à sa mise en ligne, Oto-San entre aujourd'hui dans la cour des grands aux côtés de Miki Makasu, un auteur inconnu au bataillon. Ensemble ils signent le premier tome de "Double.Me", un thriller "dans la lignée de Black Mirror" (dixit le bandeau promotionnel) aux éditions Ankama.

 

 

Aiko et sa meilleure amie Eri passent tout leur temps à tchatter sur le réseau social Double.Me. Elles parlent de tout mais surtout de Dosan, un beau lycéen dont les deux amis sont amoureuses. Hélas, Eri meurt. Aiko, profondément touchée par la disparition de son amie, voit la nouvelle application Double.Me s'activer : grâce aux données collectées durant son utilisation, une IA imite Eri. Aiko se laisse alors emporter par ses dialogues virtuels, mais jusqu'à quel point...? Le pitch n'invente rien, jusque là on est d'accord : des lycéennes, une amitié forte, un triangle amoureux... mais d'un autre côté le terrain semble propice à quelques réflexions sympa : comment vivre la perte d'un être proche? Quelles impacts ont les nouvelles technologies sur nos vies?... Deux aspects de l'histoire qu'il faudra donc concilier, l'une plus banale et adolescente derrière laquelle se cache une seconde à priori plus profonde, qu'en est-il donc?

 

Comme une sorte de didacticiel avant de commencer la lecture, une publicité s'affiche sur nos pages pour nous présenter "Double.Me", le nouveau réseau social qui ressuscite les morts. Enfin pas exactement, un serveur collecte les échanges de l'utilisateur pour créer, une fois décédé, une IA le plus proche possible de sa personnalité; c'est en tout cas ce pour quoi ont signé Eri et Aiko en s'inscrivant sur l'application. Les deux amies nous sont d'abord présentées comme deux rebuts de leur lycée, le genre de filles un peu trop "dark" pour le reste du lycée, qui écoutent du Tokio Hotel et détestent les autres "parce que les gens c'est tous des cons"... je m'emporte mais en bref c'est ça, les deux personnages dévoilent autant de psychologie qu'une chèvre en pleine crise d'adolescence. Les conversations entre les personnages sont assez souvent consensuelles et ne dégagent guère plus de complexité qu'un raisonnement primaire. Dans Double.Me le monde est simple, les politiciens sont véreux, les parents sont des cons, l'ado beau gosse est leader d'un groupe de rock et sort avec la pétasse du lycée qui est... bah une vraie pétasse.

 

 

La majorité des problèmes de ce premier tome semblent avant tout relever du manque d'expérience, le monde présenté se montre très cliché et est desservi par des dialogues qui le sont encore plus. Pourtant le thème est intéressant et les problématiques soulevées le sont tout autant, on aurait aimé voir le récit plus tourné vers cette IA qui remplace Eri, qu'est-elle vraiment? Quelle est sa fonction? Quant à la relation que maintien Aiko avec cette dernière, de quelle nature est-elle? Quelques pistes sont lancées par-ci par là mais sans jamais creuser assez profondément pour laisser percevoir un véritable questionnement. Bien entendu, les auteurs auront tout le temps de développer ceci dans les tomes à venir et c'est sûrement ce qu'ils ont prévu de faire mais le tout est enveloppé dans une vision tellement simpliste du monde qu'on se surprend parfois à laisser passer un souffle de lassitude au détour d'une case.

 

Le design de ce premier volume est étonnamment stylé, mais c'est sans surprise de la part des éditions Ankama qui sont à ce jour les meilleurs dans le domaine selon une classification totalement subjective faite par moi-même. La couverture, à effet mat de premier abord, dévoile quelques parties brillantes une fois disposée à la lumière, faisant ressortir certains détails et pour un effet globalement sympa. C'est aussi la première fois que l'on voit l'éditeur lancer des prix découverte, 5€ le tome en l'occurrence, une initiative appréciable et qui devrait bien fonctionner. Seulement chaque chose a son prix et c'est la qualité du papier qui semble en pâtir. Pourtant habituellement bon sur le reste des séries, le manga est ici imprimé sur un papier particulièrement fin. Heureusement, le dessin agréable de Oto-San vient rattraper le coup. Dans un style 100% dans l'archétype du thriller adolescent japonais, le mangaka se débrouille plutôt bien malgré quelques imperfections par moment qu'on mettra sur le compte du manque d'assistants comme toujours. A ceci s'ajoute le manque de décors chronique trop souvent remplacé par de simples trames en guise de remplissage, mais on me la fait pas à moi!

 

 

Finalement c'est souvent le même soucis qui revient tout au long du tome, les auteurs de Double.Me semblent se donner à eux-mêmes un cahier des charges bien trop entravant à remplir pour ressembler au plus à une oeuvre 100% japonaise; que ce soit dans les noms des personnages, dans l'architecture, la bouffe, ou encore les quelques kana cachés dans le fond, Double.Me donne trop souvent l'impression d'imitation d'un seinen japonais au détriment d'une vraie oeuvre sortie avec les tripes. Les auteurs n'ont pas réussi à me transporter, peut-être faute d'expérience, dans leur vision trop manichéenne du monde, et cela malgré quelques bonnes idées qui auraient mérité plus d'attention.

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