La faute à la SNCF ?

Avec l'explosion de Minetarô Mochizuki suite à son prix pour Chiisakobé au festival d'Angoulême, il était normal de voir fleurir les titres de l'auteur en France, d'où l'arrivée de Tokyo Kaido. Un succès qui tombe à pic pour Pika éditions qui avaient planifiés de nous proposer une réédition de la première série du mangaka parue en France : Dragon Head. Et comme une telle occasion ne se rate pas, le cap'tain B.Allen a décidé de m'envoyer les 10 tomes que compte la série dans leur toute première édition. Un mois plus tard (oui c'est bon j'ai eu des partiels entre temps!) me voilà sorti de ma grotte pour faire le débrief!

 

Teru est en sortie scolaire avec toute sa classe lorsque des événements étranges provoquent l'accident de leur train. Bloqués dans un tunnel suite à un éboulement, les quelques survivants livrés à eux mêmes devront chercher à survivre alors que leurs peurs refont surface dans cet environnement hostile. Claustrophobes s'abstenir, Minetarô Mochizuki nous présente ici un survival cinq ans avant Battle Royale. Enfin... "survival", le terme reste à définir. En effet, Dragon Head est très loin des survivals à la King's Game ou autres qui fleurissent par dizaines aujourd'hui, visant un publique souvent plus dans la recherche de sensations que de réflexion. Ici, le mangaka nous offre donc un survival au sens premier du terme, celui de la survie dans un univers hostile mais sans aucune dimension de jeu. Le titre ne lésine pas pour autant sur l'intensité et n'a aucun remord à montrer la violence quand il le faut.

À première vue, ce titre est à des années lumières des dernières oeuvres de l'auteur. Pour ceux comme moi qui ont connu le mangaka avec Chiisakobé et plus récemment Tokyo Kaido, il faut admettre que le passage à un univers si sombre nous laisse au début un moment de doute. Dans la forme en effet, cette violence, ce découpage assez dynamique et ce côté terre à terre contraste pas mal avec l'impression de dimension hors du temps et l'expression centrée sur le dessin offertes de Chiisakobé. Pourtant nous retrouvons déjà dans Dragon Head une volonté de réflexion profonde sur l'existence même. Ce coup-ci le mangaka se centre sur les peurs pour une plongée oppressante aux tréfonds de l'âme humaine à la rencontre de ce qu'elle renferme de plus sombre jusqu'à flirter avec la folie dans une forme de détachement qui, dans le même registre, manquait à Soul Eater. Très vite, les éléments s'enchainent et par ce cadre apocalyptique nous remettons en question tous nos présupposés. Alors que tout est détruit, que plus rien n'a de sens et que la vie en société en revient à un stade rudimentaire, nous nous défaisons de nos idées préconçues et découvrons l'humain dans son côté animal. Par la destruction de notre société, Minetarô Mochizuki nous fait prendre conscience du superficiel et de la fragilité de nos codes.
 

Le mangaka engage dans cette série une réelle réflexion sur le fondement des peurs, réflexion qui nous ramène finalement à des questions existentielles. Sommes nous dirigés par nos peurs? La peur est-elle un sentiment nécessaire? Après quelques tomes passés dans le chaos le plus total, le ballon commence à dégonfler et nous finissons presque par nous lasser de cette situation d'apocalypse devenue banale. Volonté de l'auteur pour illustrer son propos ou simple problème de rythme? La question reste entière. Il n'est néanmoins pas impossible de ressentir une petite redondance dans ces situations extrêmes au point de s'attendre systématiquement au pire à chaque instant. Peut-être le récit aurait-il gagné en intensité à être plus condensé.
 

Nous reconnaissons, graphiquement, le trait de l'auteur. Dans un registre plus sale et avec un travail sur les expressions moins important, nous reconnaissons tout de même le trait simple et rond du mangaka dans un style cette fois beaucoup plus dynamique et avec une place moins importante laissée à l'implicite. Néanmoins, ranger Dragon Head aux côtés des oeuvres considérées comme "mainstream" ne serait pas lui rendre justice, Mochizuki nous entraine dans une réflexion profonde sur ces questions qui lui tiennent à coeur et maitrise le côté oppressant de son univers avec une main de maître, appuyé par un aspect graphique laissant beaucoup de place aux décors.

Dragon Head est une série qui mérité d'être lue. Malgré quelques longueurs inutiles à mon goût, l'auteur de Chiisakobé nous donne ici un aperçu avant l'heure du potentiel qui réside en lui. Dans un univers où la profondeur du scénario n'a d'égal que celle des ténèbres omniprésents, Mochizuki se plait à nous offrir un survival couillu et mature pour illustrer une réflexion existentielle profonde.

 

Un deuxième avis ça mange pas de pain ! (B.Allen)

Je passe rapidement une tête, pour confirmer ce que dit mon partenaire. Explorant les peurs et craintes, MOCHIZUKI parvient à dépeindre un univers apocalyptique assez bluffant. L'occasion aussi de voir des adolescents évoluer sans aucunes autorité, aucun système en place et ce n'est pas toujours très jolie (pour information "Suicide Island" chez Kazé est aussi pas mal dans ce genre). Vraiment une perle que j'ai dévoré depuis longtemps, mais que je me plait à découvrir une nouvelle fois aux travers de cette édition Graphic proposé par Pika. L'apport du grand format est assez flagrant, l'occasion de ce délecter encore plus des planches de l'auteur, mais surtout l'occasion de voir la traduction renouveler pour notre plus grand plaisir. L'ancienne édition étant relativement difficile à dénicher, cette réédition est vraiment une excellente alternative !

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