Tu étais formidable, j'étais fort minable !
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Parce qu'en ce moment c'est la hype autour de Inio Asano et que je vous ai déjà parlé de Solanin et Dead Dead Demon's Dedededestruction ces derniers mois, j'ai testé pour vous (rien que pour vous, promis) Un monde formidable, la série la plus ancienne de l'auteur que l'on puisse trouver en France. Générique!
Dans ce dyptique paru à l'origine en 2006 au Japon, Inio Asano réalise une fresque complexe de la société japonaise actuelle. A travers ces différentes histoire courtes, l'auteur nous présente une galerie de personnages tout à fait différents les uns des autres mais unis par une même aspiration : la soif de liberté. Un monde formidable sonne un peu comme une tentative de Solanin avant l'heure dans la carrière de l'auteur. Il serait exagéré de dire que c'en est un brouillon mais cette série s'inscrit néanmoins dans la même veine de par les thèmes qu'elle aborde. Nous retrouvons déjà les questionnements inhérents à cette étape du passage à l'âge adulte qui ont marqué l'oeuvre de l'auteur (avec une majuscule svp) ainsi que cette aspiration à la liberté qui lui est si chère. Se présentent ainsi à nous cette galerie de personnalités finalement très proches les uns des autres à travers l'image du freeter (personne vivant de petits boulots), le rônin (jeune personne ayant raté ses concours et forcé de les bosser en indépendant) ou l'orphelin.
En lisant ces différentes histoires, nous découvrons un Asano qui semble encore dans une phase d'expérimentation de son style. L'auteur maîtrise déjà son sujet et nous offre des histoires de qualité, pas de soucis de ce côté-là! Néanmoins, comme l'oblige le format, le récit est parfois décousu et il peut être difficile de développer un réel lien avec certains personnages en seulement quelques pages. Pour autant l'ouvrage n'est pas tellement un recueil de nouvelles dans la mesure où nous retrouvons certains personnages récurrents et un cadre similaire entre les histoires. A vrai dire la réelle qualité de ces petites nouvelles tient à leur écriture. Très souvent, le mangaka se plait à baser son histoire sur une métaphore principale. Sans rien dire, il laisse donc le lecteur cogiter dans son coin et trouver lui-même le sens profond de ces courts récits qui n'est pas toujours accessible au premier coup d'oeil. Le choix d'écriture est donc agréable mais use parfois de métaphores trop simples voire trop grossières pour réellement intriguer le lecteur quant à leur sens réel quitte à donner une impression de récit faussement profond.
Comme toujours chez Asano, ou du moins déjà, le découpage est bien travaillé et les mot possèdent leur importance, mis en valeur à l'occasion de cases noires. Graphiquement le style est propre et simple, expressif à souhait et la narration impeccable. L'ambiance du manga est toujours très clair, très légère, et adaptée à ce type de récit, pour autant nous ne retrouvons pas encore une réelle atmosphère prenante comme c'est le cas à partir de Bonne nuit Punpun.
Un monde formidable se présente comme un bon dyptique aux allures de One-shot, on n'atteint pas encore les sommets de Bonne nuit Punpun ou DDDD mais le manga reste une lecture agréable. Malgré ses quelques défauts il reste tout de même plaisant de retrouver (déjà) la narration propre à l'auteur pour appuyer une réflexion sur la vie dont est empreinte toute sa bibliographie. La forme reste encore à développer mais le fond y est, ce qui n'empêche Inio Asano de nous fournir une bonne dose de plaisir.