Cupidon 2.0
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Après plus d'une demi-année de parution et 3 volumes reliés, il est grand temps de faire un premier petit bilan sur la dernière série du duo Ohba/Obata, à savoir Platinum End.
Et oui, les auteurs de Death Note et Bakuman sont de retour, et non pas pour nous jouer un mauvais tour mais pour nous offrir (façon de parler, c'est quand même 7€ le tome...) une nouvelle série. Après les dieux de la mort de Death Note, le duo de mangaka reste dans le thème et nous présente une histoire à base d'anges. Le mandat de Dieu arrive à son terme (et on me dit dans l'oreillette qu'il décide de ne pas se représenter), il décide donc d'envoyer 13 anges sur Terre pour lui trouver chacun un successeur. Au terme d'une longue bataille, aidés par différents "outils" (entendez "pouvoirs") que leurs offriront ces anges, un seul heureux gagnant pourra accéder au titre suprême. C'est donc un combat à mort qui s'annonce dans une ambiance de sournoiseries intellectuelles dignes du duo.
Avant tout quel plaisir de retrouver notre duo d'exception de retour dans le game, mais un grand pourvoir implique de grandes responsabilités et les attentes étaient donc à la hauteur de leur talent. Tel que le prévoyait la prophétie, le phénomène tant redouté se produisit et une certaine déception se fit ressentir chez une bonne partie du lectorat. Platinum End sent à à cent kilomètres à la ronde le Death Note retapé, nous retrouvons un univers fantastique lié à une certaine mythologie, des capacités spéciales fournies par des créatures divines venant mettre le désordre dans le monde et du combat stratégique de haute voltige entre notre héros et son opposant, représentant chacun une morale opposée. La déception est d'autant plus grande que la série y ressemble mais ne lui arrive pas à la cheville... allez, on va être gentils : ne lui arrive pas à la ceinture.
*ne soit pas triste c'est pas fini!*
Au niveau stratégique tout d'abord, nous retrouvons avec plaisir les même mécanismes qui rendaient le combat entre Light et L délicieusement périlleux, dont le fait que la société toute entière soit impliquée dans ce combat digne des dieux. L'opinion public et les médias sont encore une fois partie prenante de l'affrontement et utilisés par les personnages comme un outil pour parvenir à leurs fins. Cette facette est néanmoins bien moins poussée qu'elle ne pouvait l'être dans Death Note et donne finalement presque plus l'impression d'une société jouant un rôle de témoin que d'une société réellement impliquée. Les opposants usent de stratégies différentes pour arriver chacun à mettre la main sur l'autre sans se faire prendre dans un jeu de chat et de la souris somme toute intriguant bien qu'un cran en dessous de Death Note au niveau de la complexité des raisonnements. L'autre grande différence se fait sur le personnage principal. Alors que Light était vite devenu un personnage avide de pouvoir et rusant pour arriver à ses fins, Mirai, héros de Platinum End, serait plutôt ce qu'on appelle communément une "couille molle" (that's a joke dude). Doté d'un sens de la morale aussi fort que sa sensibilité, ce dernier refuse à tout prix de tuer qui que ce soit pour quelque raison que ce soit. Cette attitude qui est tout à son honneur le positionne pour l'instant comme témoin de l'intrigue plus que participant... un peu comme la société quoi. Il n'influe encore que très peu sur l'histoire au dépend du dynamisme de la série.
Pourtant, Mirai est un personnage très intéressant. Il faut avouer que la première chose que nous avons envie de faire en voyant notre héros c'est de le secouer un bon coup et lui dire de se bouger à aller combattre le mal parce que sinon bah... ce sont de nombreux innocents qui vont mourir! Mais lorsque l'on prend de la distance, nous pouvons nous rendre compte que ce personnage apporte un aspect moral très intéressant à l'oeuvre. Si je me rappelle bien de mes cours de philo de terminale, Mirai représente une morale "déontologique", celle qui affirme que nous devons toujours agir selon une forme de morale. Tuer c'est mal, Mirai se refuse donc de tuer à n'importe quel prix. Face à ça, les différents personnages secondaires empruntent une morale "conséquentialiste". Ce qui compte ce sont les conséquences de l'action, or tuer une personne pour en sauver trente-trois, ça mérite réflexion. Ce que nous offre donc ce début de série ce sont des questionnements passionnants dont on attend avec hâte les réponses : jusqu'où puis-je suivre mes convictions? Peut-il être juste de tuer?
Cette chronique commence à être un peu trop longue donc on va vite finir! Niveau dessins, je pense que je n'ai pas besoin de vous présenter le monsieur, juste "Takeshi Obata", tout est dit! C'est détaillé, c'est beau et on ne s'en lasse pas. Il me fallait aussi placer un petit mot sur l'édition qui est plutôt soignée, comme souvent chez Kaze. Mais il fallait surtout les remercier pour leur rapidité à la détente, le premier tome n'était pas encore paru au Japon que l'éditeur nous annonçait déjà sa sortie en France. Et un éditeur qui évite de nous faire attendre, j'applaudis!
Ces trois premiers volumes de Platinum End promettent une série d'une qualité globalement bonne. La petite déception par rapport à nos attentes mises de côté, nous pouvons nous plonger sans aprioris dans cette oeuvre qui mérite tout de même d'être reconnue à sa juste valeur : un manga orchestré comme il faut par le duo Ohba/Obata, à base d'action, de suspens et de philosophie (si si je te jure).