Aiguisé comme une lame !

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C'était l'un des retours que j'attendais le plus en ce début d'année, celui du titre de Tsutomu TAKAHASHI, Sidooh. Un manga qui fait son grand retour aux éditions Panini et sur lequel, on va ce pencher un peu aujourd'hui !

 

 

"Dans ce monde absurde, les faibles partagent tous le même sort : la mort !" 

 

Mon histoire d'amour avec le manga de TAKAHASHI a commencée il y a plusieurs années, le 12 avril 2007 pour être précis. Un titre surgit sur les étalages de nos libraires, avec une couverture d'un jaune aussi pétant que le soleil, impossible de le rater. Ce n'est pourtant pas la première incursion de l'auteur en France, Panini ayant déjà publié auparavant le one-shot Alive, ainsi que les short series, Sky High et Blue Heaven. Des mangas qui avaient déjà attirés mon attention et c'est donc très naturellement que j'étais hyper emballé par la première longue série disponible en France de l'auteur. Notre histoire démarre de la meilleure des façons et c'est plein d'excitation que je répond présent à chaque nouvelle parution d'un tome ! Pourtant, passé quelques volumes, nos rendez-vous se font moins régulièrement, on ne se croise bientôt plus qu'une fois par an, jusqu'au moment fatidique en 2014 où après un quatorzième rendez-vous, Sidooh disparaît, me laissant seul avec ma tristesse de ne pas pouvoir continuer à découvrir notre histoire...Il aura fallu attendre sept années supplémentaire et un changement de direction chez Panini, pour reprendre espoir et retrouver Sidooh chez nos libraires ! En effet, en ce début d'année 2021, l'éditeur est bien décider à relancer la machine (ainsi que d'autres titres à venir comme Eden, Banana Fish ou encore Lone Wolf and Cub) et nous propose donc de reprendre la publication du manga de TAKAHASHI depuis le départ. Un choix plutôt judicieux, puisque après autant de temps, reprendre uniquement la parution "en cours" aurait été suicidaire, sachant qu'il restait tout de même onze volumes à sortir (je vous rappel que le titre totalise 25 tomes). Pour cela l'éditeur fait les choses bien, refonte graphique pour tendre vers quelque chose de plus sombre, parution dans un premier temps de deux tomes simultanés et une promo bien présente pour porter le titre et lui offrir ce dont il n'avait pas bénéficié à l'époque ! On sait que TAKAHASHI n'est pas le mangaka le plus vendeur en France, puisque même chez d'autres éditeurs comme Kana avec Bakuon Retto ou Pika avec NeuN, les ventes ne sont jamais faramineuses. Pourquoi ?! Va savoir, le lectorat français est parfois une énigme quand je vois parfois certains de mes mangas préféré disparaître dans l'anonymat total ou connaitre un fort ralentissement dans la parution faute de ventes. TAKAHASHI est pourtant un mangaka de talent, proposant toujours des histoires aussi diverses que variées et qui est loin d'avoir un style graphique dégueulasse. Je vais tenter de vous en parler une fois de plus et de vous "influencer" (puisqu'il parait que j'y arrive un peu) à tenter l'aventure Sidooh et je vous le garantit, vous ne serez pas déçus !

 

 

Alors, de quoi nous cause cette "nouvelle" série de l'auteur ? On le sait, c'est un mangaka tout-terrain et c'est cette fois avec un manga de samurai qu'il va tenter de nous surprendre ! L'histoire démarre en 1858 pendant l'ère Edo, période ô combien compliquée pour les japonais puisque à l'origine de pas mal de changement dans le mode de vie. Une période pleine de troubles et très sombre, avec une forte oppositions entre deux camps concernant l'ouverture du pays. L'on va faire alors connaissance avec deux frères, Gentaro (10 ans) et Shotaro (14 ans) qui vont être livrés à eux-même suite au décès de leurs mère victime du choléra. Bien décidé à survivre dans ce monde cruel, les deux frères n'auront désormais pour unique objectif que celui de devenir fort et pourquoi pas devenir des samurais comme leurs père ! Vous sentez bien que l'histoire ne respirera pas la gaieté et qu'on va suivre le destin tumultueux de ces deux jeunes garçons. Ah bha là, dès le premier chapitre, l'auteur te fais une démonstration que la vie peut être éclatée et que quand tu penses que ça ne peux pas être pire et bien elle trouvera toujours un moyen de t'enfoncer un peu plus. Le décors est donc rapidement planté, avec le désespoir des jeunes garçons face à la mort de leurs unique parent, une séquence bien orchestré par le mangaka qui fait monter crescendo le suspens jusqu'au dénouement fatal qui poussera ensuite les frères vers une quête initiatique d'un autre genre. Si le deuil de la mère est déjà une rude épreuve, le contexte lié à l'époque va aussi fortement peser dans le parcours, les maladies, la pauvreté, les conflits, autant d’éléments qui seront dressés devant Sho et Gen et ça encore une fois TAKAHASHI parvient avec beaucoup de justesse à nous le montrer. C'est d'ailleurs l'un des points fort de l'auteur qui parvient toujours à décrire et retranscrire avec soin des ambiances et points sombres sans concessions. Ce n'est pourtant que le début, bien vite le binôme va faire une rencontre ô combien déterminante pour la suite, mais pour ce démarrage, tout n'est que déception pour ainsi dire. Encore naïfs et innocents, c'est avec brutalité qu'ils vont découvrir un monde qui n'hésitera pas à montrer ce qu'il s'y fait de pire !  Et ce n'est pourtant que le début !!

 

J'ai toujours vu ce titre comme une version "réaliste" ou/et "sombre" d'un shonen. Deux frères qui vont d'épreuve en épreuve, découvrant le monde, avec un but précis etc... On le voit bien sur ces deux premiers opus déjà, l'histoire mise en marche n'épargne aucunement les deux garçons et c'est aussi ce qui à mon sens les rends rapidement attachants. Quand tu vois les seaux de merde que nos héros prennent sur la tronche (et encore ils auraient surement préférés), il est compliqué de ne pas rapidement nouer des liens et avoir de l'empathie pour eux. De plus, il faut dire que comme à son habitude TAKAHASHI prend grand soin dans l'écriture de ses personnages et cela semble encore plus facile pour lui du fait du jeune âge de nos héros. Shotaro, le grand frère, plein de bonnes volontés et prêt à tout pour protéger son frère et de l'autre Gentaro, plus jeune et avec un côté plus craintif. Des caractérisations très classique sur la forme, mais du pain bénis pour l'auteur qui va pouvoir s'en donner à cœur joie sur le fond et faire évoluer ses personnages dans des directions surprenantes. On peut par ailleurs faire confiance au mangaka capable de sortir des personnages à la caractérisation parfaite, il n'y a qu'à voir le fourbe Kiyozo ou le "bienveillant" Rugi pour comprendre qu'on aura affaire à toutes sortes de personnages bons comme mauvais. 

 

 

Le déroulement de l'histoire est pour le moment assez classique, suivant donc les déboires de nos héros en devenir et le second tome met d'ailleurs l'accent là-dessus. On entrevoit pour la première fois les possibilités qu'offre ce titre, avec Rugi et sa secte, mais surtout la préparation pour la fête des "cœurs purs" dans laquelle la mort de Shotaro est prévue lors d'un affrontement dantesque. C'est l'occasion pour notre jeune héros de faire ses débuts sur l'apprentissage de l'art du sabre. On est bien loin de la phase d'entrainement classique, c'est simple, mais efficace et cela donne ensuite l'occasion à l'auteur de nous délivré un premier vrais combats au sabre et la qualité est au rendez-vous. C'est intéressant de voir avec quelle force et soin l'auteur parvient à rendre l'ensemble plus vrai que nature. D'un autre côté, l'on voit déjà que les deux frères ne suivront pas forcément la même trajectoire, puisque déjà séparé, Gen, va lui connaitre un enfer bien différent, mais tout aussi traumatisant. Je pense qu'il est bon de vous dire aussi que l’enchaînement des malheurs de nos héros ne pénalise aucunement le récit. L'accumulation pourrait faire qu'on en viennent à se dire que l'auteur en fait trop, mais tout s’imbrique tellement bien et de manière fluide, que le lecteur n'y voit au final que le prolongement logique de "l'aventure".

 

 

Je terminerais en parlant tout de même des graphismes, comment ne pas louer le talent de ce mangaka ?! C'est incompréhensible de ne pas adhérer tant ce coup de crayon est efficace ! L'aura, les ambiances et émotions que parvient à faire ressortir l'auteur, c'est assez fou. Capable de te faire une planche rayonnante de beauté, puis d’enchaîner avec une autre aussi sombre que la mort. Le trait est saccadé, nerveux, très fluide, avec le chara-design qu'on lui connait, ô combien expressif. Plus encore que ça, c'est bien souvent le découpage, les angles de vues et la mise en scène qui impactent énormément lors de la lecture. De plus et pour ceux qui avaient des doutes, les affrontements au sabre promettent d'être dantesque à l'image de ce que l'on peut admirer dans le second tomes et qui en laissera plus d'un avec une belle fracture de la rétine ! 

 

Scénario : 4.5/5

Graphismes : 5/5

Ma note : 9.5/10

❤️

 

Zéro censure, souvent violent et assorti d'un côté malsain, l'histoire prend forme sous nos yeux et scotche le lecteur à l'histoire tragique que vivent les deux frères. Doté de graphismes qui vous prendront aux tripes, un titre qui tranche dans le vif et ce dès les premières pages ! 

 

 

 

 

 

© by Tsutomu Takahashi / Shûeisha

 

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