Le crush de la semaine Kei SANBE
-
J'ai dans un premier temps souhaité faire un crush sur l’excellentissime "Erased", avant de me raviser car traiter de cette série serait un peu prématuré. Non pas qu'il n'y a pas masse de séries sur lesquelles faire un coup de cœur, j'ai décidé de "récompenser" pour l'intégralité de son œuvre Kei Sanbe. Un auteur qui a transformé pas mal d'essais depuis sa découverte en France et qui mérite donc un crush !!
Kei SANBE est ce que l'on pourrait appeler un mangaka "next-gen", puisqu'il n'apparait dans l'industrie du manga qu'en 1997 avec une première série intitulée "Black Road". Il enchaine quelques échecs avant d'être enfin reconnu avec "Testarotho", puis "Kamiyadori" (dont une suite a vue le jour en trois volumes sous le titre de "Kamoyadori no Nagi"), "L'île de Hozuki", "Le berceau des esprits". Actuellement l'auteur table sur deux séries, "Erased" (publiée depuis 2012 et que l'on peut retrouver en France), ainsi que "Steal & Dead" (débutée en 2014).
Véritable acharné du travail comme en atteste sa bibliographie (13 séries en 17 ans), depuis ses débuts seule l'année 2003 semble vide après mes recherches. Kei SANBE est un auteur aux multiples facettes puisqu'il dessine aussi sous un autre nom de plume Keisuke KAWARA. Un pseudonyme tout aussi prolifique mais dans le circuit ecchi/hentai cette fois. Un penchant qui se ressent parfois à la lecture de ses œuvres, mais qui permet aussi à l'auteur de se "décharger" (bha c'est le terme désolé et BOICHI devrait prendre exemple) de ses pensées "obscures".
En France l'auteur débarque d'abord aux éditions Soleil avec "Testarotho" (seule série que je n'ai pas lu, mais que je viens fraichement d'acquérir), puis change de crémerie pour "Kamiyadori" qui parait chez Kurokawa. Ces trois dernières série "L'île de Hozuki", "Le berceau des esprits" ainsi que "Erased" sortent en revanche sous l'étendard Ki-oon (qui n'a visiblement pas l'intention de lâcher l'un de ses auteurs devenu fétiche).
Outre le fait de faire du ecchi/hentai, SANBE reste un mangaka assez "touche-à-tout". Bien qu'il reste dans la catégorie seinen depuis ses débuts, il n'hésite pas à tirer ses "flèches" dans diverses directions. On le retrouve sur une base d'héroic-fantasy dans "Testarotho", puis dans la SF avec le futur apocalyptique de "Kamiyadori". Il tend vers le thriller-horrifique avec "L'île de Hozuki", avant de surfer sur la vague "zombie" avec le huit-clos fantastique "Le berceau des esprits". Dernièrement il renoue avec un genre qu'il affectionne dans "Erased", qui n'est autre qu'un thriller-spatiotemporel (avec une touche en fond d'inspiration "comics US").
Vous allez me dire que toucher-à-tout c'est bien, mais si c'est pour saborder chaque série ce n'est pas la peine. C'est pas faux ! Sauf que si la courte durée de vie des séries du mangaka peut faire peur (aucune à l'heure actuelle ne fait plus de 6 volumes), elle ne réfléte en aucun cas d'une décision des éditeurs. Si ses séries sont courtes, c'est pour la simple et bonne raison que l'auteur ne s'étale pas inutilement sur des tonnes et des tonnes de chapitres et s'en tient à son histoire de base. Il n'y va pas par quatre chemins (même si parfois c'est d'ailleurs regrettable), l'histoire va du point A au point B et clôt à la manière d'un film chaque intrigue sans trop déborder.
Beaucoup qualifient Kei SANBE d'auteur de manga "spooky" (rah, la collection "Chair de Poule" mon enfance...) avec une forte tendance à faire du fan-service (rah Clara Morgane...avant que tu deviennes chanteuse...). Il est vrai qu'on retrouve de temps à autre, des filles inutilement peu vêtues (notamment dans "Le berceau des esprits"), mais c'est toujours inscrit dans une certaine logique (pas forcément évident de trouver des fringues de rechange dans un bateau qui coule etc etc...). Pour autant je trouve qu'il limite au grand maximum ce genre de passage, surtout s'ils ne servent pas l'histoire. Pour le côté "spooky", il faut dire que l'auteur surf souvent sur les tendances du moment (et c'est aussi ce qui fait le succès de ses séries). Le tout étant souvent ficelé de façon très cinématographique, on retrouve les moments de tensions et ce qui pourrait s'apparenter à des "scare jump" sur papier.
Il serait donc hypocrite de réfuter cette facette du mangaka. Pour autant ses séries sont-elles dénuées de sens et de fond ? Je dirais que non. Tout au long de ses œuvres, SANBE a toujours tenté d'aborder des thèmes sérieux comme l'handicap, le décès, l'abandon, la maltraitance (familiale ou à l'école), la pédophilie et surtout la folie humaine qui est bien souvent au centre de tout. Il est vrai que c'est souvent fait de manière subtile et sans trop appuyer dessus, mais avec ou sans relecture ses mangas mettent souvent le doigt où ça fait mal. D’après moi, c'est même la façon la plus maline d'aborder certains sujet brûlant en les noyant dans quelque chose de plus léger. On retrouve ce contraste assez fort dans "Le berceau des esprits" qui confronte les héros à la survie et sortir de l'épave du bateau, avec les pires aspects de la folie humaine. On retrouve donc des scènes d'actions simples, avec d'autres passages nettement plus sadiques et dérangeants. Le message n'est du coup que plus visible même s'il n'est pas le sujet principal.
Graphiquement parlant, le style de SANBE n'a pas évolué des masses depuis ses débuts. C'est évidemment plus maitrisé et plus fluide avec le temps, mais grosso-modo on reste sur les mêmes bases. Un coup de crayon que je qualifierai de "caméléon", dans le sens où peut-importe le genre et le ton de la série il colle. Pour preuve l'auteur fait du ecchi/hentai, du thriller, de la SF, de l'héroic-fantasy, de l'horrifique et ça correspond toujours (par exemple j'aurai du mal à voir l'auteur de "Gintama" sur un manga sérieux). On pourrait peut-être reprocher le manque d'inspiration du mangaka sur le renouvellement du chara-design qui reste sensiblement le même d'une série à l'autre.
Si dans l'ensemble la patte de l'auteur n'a pas trop évolué, il n'en est pas de même de son sens du découpage et de la mise en page. On passe sur des débuts très "académique" et qui restent classiques, pour tendre de plus en plus vers une vision cinématographique. Les points de vue, les angles, tout est calculé pour immerger au maximum le lecteur dans son univers. Partant de là, il arrive facilement à faire frissonner ou mettre en tension au fil des pages.
Je passerais sous silence que certaines illustrations (surtout sur "Erased") sont simplement sublimes.
- Testarotho, chez Soleil en 4 tomes. La série est semble-t-il en arrêt de comm, par contre c'est trouvable assez facilement dans le circuit de l'occasion (où alors j'ai eu de la chance).
- Kamiyadori, chez Kurokawa en 5 tomes.
- L'île de Hozuki, chez Ki-oon en 4 tomes.
- Le berceau des esprits, chez Ki-oon en 6 tomes.
- Erased, chez Ki-oon, en cours de parution avec 4 tomes.
Chacune de ces séries m'a laissé un agréable souvenir et a toujours été un bon moment de lecture. C'est vrai que parfois je m'agace quand l'auteur tombe dans la facilité, ou fait un appel à du fan-service trop prononcé à mon gout. Pour autant, il faut reconnaitre que SANBE est un mangaka aux multiples facettes et capable d'aborder sans en avoir l'air des thèmes assez durs. Il serait difficile pour chacun de ne pas trouver son bonheur dans la diversité des titres que propose l'auteur. Point bonus pour le fun, ses séries ne dépassant pas 6 volumes, elles conviendront même aux petites bourses (pas d'attaque physique hein) et n'offre pour le coup pas de fins bâclées. De plus "Erased" est assurément l'une des meilleurs nouveautés de 2014 (et une série dont on a pas fini de parler) et surtout un excellent seinen.