Le crush de la semaine : Switch Girl
-
« Switch Girl » un shôjo écrit et dessiné par Natsumi AIDA. Pré-publié dans le magazine japonais Margaret de l’éditeur Shueisha, entre 2006 et 2014, la série est à présent terminée au Japon avec un total de 25 tomes. En France, la série est disponible aux éditions Delcourt.
Le manga « Switch Girl » touche à sa fin la semaine prochaine. La sortie prochaine du 25ème tome est donc l’occasion de revenir sur le phénomène Switch Girl ! Ce shôjo a véritablement révolutionné ma façon de voir les filles et les femmes. J’ai toujours pensé que j’étais la seule à me balader à moitié habillée chez moi ou à me coiffer d’une manière plus que douteuse pour éviter que mes cheveux ne m’encombre tout en regardant la télévision et en savourant cette sensation de ne pas porter de soutien-gorge. Alors quand j’ai commencé à lire « Switch Girl » j’ai vu d’autres femmes le faisaient aussi ! J’avais à peine lu deux pages que j’étais déjà accro !
De quoi ça parle ?
« Switch Girl » c’est l’histoire de Nika Tamiya, la fille la plus belle et populaire de Tokyo. Mais ce que personne ne sait, c’est que la belle cache un secret, et de taille. Ainsi, à l’abri de regards elle devient méconnaissable : pas maquillée, habillée comme une grand-mère, coiffée n’’importe comment, parée de lunettes et surtout, hyper pas maniérée. Bref tout l’opposé de ce que les gens pensent d’elle. Elle a donc un mode ON et un mode OFF. Seul Ninohara sa meilleure amie était au courant de ce dangereux secret, mais tout change lorsqu’Arata, un nouvel élève transféré fait son apparition et la surprend en mode OFF alors que lui aussi était en mode OFF. Mais à la différence de Nika, Arata cherche à masquer sa beauté. Si au début les deux ne sont pas sur la même longueur d’onde, Arata et Nika vont très vite devenir complices puis finir ensemble. Le quotidien de Nika sera alors rythmé par des aventures plus drôles les unes que les autres, des personnages désopilants de plus en plus nombreux et bien sûr, par ses transitions ON/OFF.
Présentation rapide des personnages
Tout d’abord Nika Tamiya l’héroïne de l’histoire. Petite, on la surnommait Onita en référence au catcheur dû à un comportement de garçon manqué. Mais après s’être faite rejetée par le garçon dont elle était amoureuse au profit d’une fille plus féminine, elle se féminise et devient une toute autre personne. Cette jeune lycéenne de 17 ans semble être la perfection féminine incarnée mais cache sa véritable identité, son mode OFF, dont seules quelques personnes de confiance sont au courant. Viens ensuite Arata, un nouvel étudiant qui, d’abord froid, s’intégrera de plus en plus à la classe de Nika. Moins expansif que sa petite-amie, il ne manque pourtant jamais de l’aider quand elle doit livrer bataille à la supérette du coin. Nino ou Ninohara est la meilleure amie de Nika et sera la seule au début à connaître l’existence de ses deux modes. Viens ensuite Meika, une fille qui elle aussi possède un mode ON et un mode OFF. En mode ON Meika est une fille toute mignonne qui à l’air inoffensive mais en mode OFF… c’est une sadomasochiste très portée sur la chose qui n’hésite pas à donner un coup de fouet à nos personnages. On la voit pour la première en compagnie de Masamune Hirota, l’antagoniste du tome 2 et futur « meilleur ami » d’Arata. Il faisait parti d’un gang et a un large réseau d’amis. D’abord attiré par Nika, il va se rendre compte qu’il en pince pour Nino. Enfin, dernier personnage et pas des moindres, Queen Guenon, alias Boss, de son vrai nom Reika Jogasaki, est une élève qui étudie au même lycée que Nika et règne sur la classe D. Tous ces personnages interagiront plus ou moins ensemble pour former une bande soudée au fil des tomes. Ils seront bien sûr rejoint par une ribambelle de personnages tous aussi loufoques, de la famille Tamiya totalement switch, en passant par une otagirl à deux modes elle aussi, à Binotocard, un jeune homme qui semble aimer un peu trop Arata pour que ce soit platonique…
Une héroïne qui n’a pas froid aux yeux
Nika est une jeune fille dotée d’un fort caractère et qui n’hésite pas à se battre pour défendre les valeurs auxquelles elle tient. Comme aller confronter un type qui balance son mégot au sol ou tenir tête à Queen Guenon pour que les filles de sa classe puissent aller aux WC. Une vraie héroïne celle là, comme on devrait en voir plus souvent. Mais au fil des tomes, on constate que « Switch Girl » devient un « vrai » shôjo. Les histoires d’amour se multiplient et se compliquent et honnêtement, le retour du ou de la petit(e) ami(e) est un des clichés de base dans le genre. Et même si Nika tombe amoureuse d’Arata hyper rapidement, contrairement aux héroïnes lambda, la miss reste aussi délurée qu’elle l’était célibataire, ce qui donnera lieu à des situations des plus comiques.
Mais ses amies ne sont pas en reste et sont elles aussi des filles qui n’ont peur de rien. Meika qui n’hésite pas à afficher ses penchants sadomasochiste devant ses amies ou encore Queen Guenon qu’on voit pour la première fois en train de forcer des beaux garçons à se déshabiller dans les toilettes des filles.
Déjà, dès le premier tome on voit Nika en slip, seins nus dans sa baignoire et un type parvient même à prendre une photo de sa culotte « de relâche ». Ainsi tout est dépeint sans tabou et l’auteur avoue avoir été obligé de couper certaines scènes que l’éditeur n’approuvait pas.
Les hommes au second plan
Dans « Switch Girl » si il y en a bien qui sont relégués au rang de spectateurs, c’est bien la gente masculine. Alors que d’ordinaire dans les shôjo, les filles sont généralement timides et effacées, « Switch Girl » fait tout l’inverse : les hommes sont au second plan. Arata par exemple n’est pas très expressif, et montre peu ses sentiments, en tout cas pas autant que Nika et même si il la suit volontiers dans ses opérations commando (comme s’introduire dans un lycée ennemi pour répandre l’amour et la justice) le mot est bien là : il la SUIT. C’est Nika qui guide le mouvement. Et puis souvenez-vous, les garçons du lycée se faisaient déshabiller de force par Queen Guenon au début de la série. Masamune a même dit qu’il a faillit se faire violer ! Mais le plus représentatif de cette dominance féminine c’est sans doute Monsieur Tamiya. Décrit comme faible et petit, il est limite inexistant mais apporte une touche de douceur dans sa famille, alors que la douceur est généralement associée aux femmes. Bref, vous l’aurez compris, girl power avant tout !
De l’humour à gogo
Chaque tome est ponctué des commentaires de l’auteur qui nous prodigue des conseils pour être une vraie switch girl, comme couper notre dentifrice en deux lorsqu’il approche de sa fin, sans oublier la technique du remplissage de la bouteille de shampoing à moitié vide avec de l’eau pour ne pas gaspiller ! S’ajoutent à cela, les questions-réponses des lecteurs et les anecdotes de Natsumi AIDA qui n’a pas peur du ridicule et qui nous expose sans tabou, son quotidien de switch girl.
L’auteur ne recule devant rien, abordant les thèmes que sont la drogue, le sexe, les délinquants et même le harcèlement de manière toujours drôle. Comme par exemple la fois où Nino manque de se faire violer. Sujet grave où AIDA introduit un élément désopilant en munissant la jeune fille d’une «culotte de sécurité » qui si elle n’est pas en acier, m’a bien l’air en fer et qui l’empêche de se faire abuser.
On dit que les graphismes d’un manga contribuent au comique de l’œuvre. À ma connaissance c’est le seul manga qui a réussi à transmettre autant d’humour avec ses dessins. Nastumi AIDA alterne entre dessins type shôjo et dessins humoristiques avec un tel talent et une telle fluidité qu’on ne peut qu’apprécier et se tordre de rire.
Petit mot de la fin
C’est une œuvre drôle qui ne se prend pas la tête et qui révolutionne le statut d’héroïne de shôjo et qui manie moments drôles et moments tristes. « Switch Girl » fut d’ailleurs adapté en drama en un total de 16 épisodes.
Cette série est révélatrice d’une société japonaise basée sur les apparences et les conventions et où la différence n’est pas bien vue. Comme le dit le proverbe japonais : « le clou qui dépasse appelle le marteau ». Mais avec son dernier tome AIDA entend bien nous montrer qu’il ne faut pas juger sur les apparences. En effet, voilà que Nika déambule dans les rues de Tokyo en mode OFF pour prouver son amour à Arata et se dirige vers Shibuya, LE quartier de la mode à Tokyo. La révolution de la tolérance est en marche !
On peut dire que « Switch Girl » révolutionne la manière dont sont perçues les filles et les démystifie. Points noirs, épilations, culotte de grand-mère, tout y est pour briser l’image lisse et douce des jeunes filles d’aujourd’hui. Imposé comme shôjo de référence, Messieurs, si vous tombez dessus, ne soyez pas trop déçus. La femme parfait n’existe pas car au fond, on est toutes des Switch Girl.