Color Recipe
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Me voilà de retour pour vous parler d’un yaoï qui ne peut pas vous laisser de marbre…Il s’agit de Color Recipe que l’on retrouve aux éditions Taïfu Comics dans la collection yaoï.
C’est une chance pour les lecteurs de cette série, de pouvoir avoir cette édition dans les mains. En effet, Taïfu comics a édité le premier tome en 2017, mais à cause d’un changement d’éditeur au Japon, a dû renégocier les droits afin de pouvoir publier cette série. Taïfu n’a pas lâché son lectorat et a publié en fin d’année 2023 les deux tomes de cette série !
C’est donc Harada qui nous embarque littéralement dans une histoire très complexe entre Shôkichi, un jeune coiffeur très investi dans le salon dans lequel il travaille, mais introverti, qui ne s’exprime que très peu et Fukusuke, un coiffeur plutôt avenant avec la clientèle, sociable et très apprécié. D’étranges liens vont se tisser entre les deux hommes qui vont naviguer entre tourments, perversion, manipulation, jalousie. Mais jusqu’où cette histoire va-t-elle les mener ?
Le lecteur est très vite pris dans le scénario que propose Harada. Elle arrive parfaitement à faire ressentir et même vivre les différentes étapes de l’histoire entre les deux hommes. On sent petit à petit le piège se refermer autour de Shôkichi. Ce dernier se laisse presque berner par Fukusuke qui se montre tellement pervers et nocif. Il entre dans la vie de Shôkichi de manière très habile et en même temps malaisante. Et l’autrice transmet les sentiments de gêne, de malaise à celui qui lit. Elle se montre d’une grande habileté.
Attention, nous sommes très loin d’une histoire romantique. On se questionne plutôt sur le consentement très rapidement, car on voit que Shôkichi, prend énormément de recul dans sa posture physique, dans ses mots, mais Fukusuke arrive tout de même à ses fins. C’est très perturbant.
Il tend énormément de pièges à Shôkichi puis se pose en sauveur pour avoir ce qu’il veut. Il détruit peu à peu sa proie pour la réduire presque à un état d’objet. Je ne vais pas en dire plus pour ne pas spoiler. On se questionne tout au long de la lecture. Pourquoi ne pas mettre un point final à tout ça ? Pourquoi continuer à le voir ?
On monte crescendo dans la violence physique et psychologique. On éprouve une sensation oppressante tout au long de la lecture et c’est en ça que la mangaka Harada est un génie. Elle manie parfaitement le scénario et donne l’impression d’être dans un thriller où l’on ne peut plus lâcher l’histoire sans savoir quelle va en être être l’issue.
Au niveau du graphisme, on est sur la même méthode, Harada fait parfaitement passer les émotions, les dessins sont maîtrisés, les visages des personnages très expressifs. On ressent la douleur de Shôkichi et parfois la détresse qui l’animent. Les changements physiques des personnages sont très marqués lors de certaines scènes, avec des visages déconstruits ou cernés selon les passages. C’est saisissant et cela participe au fait que l’on soit tellement pris dans l’histoire.
Un petit mot sur l’édition qui entre dans les critères classiques, le papier est de bonne qualité, l’impression bien réalisée. On a la chance de bénéficier de deux pages couleur dans chaque tome. La traduction d’Isabelle Eloy est soignée.
J’ai au final autant adoré que détesté cette série. J’ai détesté le fait de voir Shôkichi s’embarquer dans une histoire aussi malsaine et perverse, le voir finalement s’éteindre peu à peu et voir la noirceur de Fukusuke s’installer de manière insidieuse. C’était pour moi un coup de maître de la part d’Harada qui arrive de manière excellente à faire passer toutes les émotions et à rendre le lecteur imprégné et plongé dans cette histoire. J’ai dévoré les deux tomes à la suite tellement j’avais besoin de connaître l’issue de cette relation. Il ‘agit d’une œuvre à destination d’un public averti avec des scènes parfois difficiles à voir. J’ai trouvé le résultat du travail d’Harada juste excellent.
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