Troisième épisode de La Planche, un épisode un peu particulier, puisque j'ai eu l'occasion d'échanger avec Mathieu BABLET, auteur des titres "Adrastée", "Shangri-La", "La Belle Mort" et tout récemment à la tête de "Midnight Tales", un auteur made in France, comme on en fait peu et qui a accepté gentiment de répondre à quelques questions.
Pourquoi BABLET ? Tout d'abord parce que nous avons eus l'occasion de parler de l'ensemble de ses titres ici-même. Pis tout simplement parce que c'est un frenchy, qu'il fait des bons trucs et je crois que ça fait un paquet de point positif pour le faire passer sur La Planche non ?! Il s'est engagé à dire toute la vérité, rien que la vérité, sous peine de ne pas connaitre une belle mort (genre le clin d'oeil ;D ) !!
1. Etant un blog à forte tendance manga, peux-tu dans un premier temps, nous faire un petit récap de ton parcours et comment tu en es arrivée là où tu es ?
Après une école d’art appliqué, je sors ma première bd en 2011 avec Ankama : la belle mort. Pendant mes études j’ai découvert Mutafukaz, sa liberté de ton et de forme, et je me suis immédiatement dit que si je voulais faire de la bd, c’était auprès de Run.
La belle mort m’a donc permis de mettre un pied dans le label 619, et depuis je n’en suis pas sorti, publiant avec eux Adrastée en 2013/2014, Shangri-la en 2016, et Midnight tales cette année.
2. On parlait dernièrement de "Midnight Tales" sur le blog, comme est né ce projet ? Pour l'occasion tu es entouré d'une sacrée équipe (SOURYA/SINGELIN/GAX/Elsa BORDIER), quelle méthodologie emploi-t-on pour bosser avec autant de monde et sur un projet de ce type ? Est-ce plus compliqué à gérer quand on a l'habitude de bosser en solo ?
Midnight tales est avant tout né de l’envie de monter un projet collectif. Shangri-la était un travail très solitaire, et je ne me voyais pas repartir tout de suite sur un one shot du même tonneau. Puis, comme je suis un grand fan de Lovecraft, l’épouvante me paraissait un thème intéressant à développer en histoires courtes, d’autant plus que la sorcellerie et les mythes et légendes du monde entier sont autant de sujets passionnant à explorer.Pour les auteurs, je suis tout de suite allé voir les amis, ceux avec qui je travaille au label 619. Je connaissais la manière dont ils bossaient, et j’avais pleine confiance en leur capacité pour mener à bien ce premier volume. Je leur ai fourni une bible littéraire qui balise l’univers de l’ordre de minuit, et on faisait beaucoup d’allers-retours pour être sûr que tout collait bien avec le monde de Midnight tales. En tout cas c’est clair, c’est un travail bien plus dense que « simplement » faire sa bd dans son coin !
3. Justement, nous sommes revenus récemment sur tes précédentes œuvres comme "Shangri-La" et "Adrastée" (Nous avions parlés de "La belle mort" aussi l'année dernière lors de sa réédition), des titres aux ambiances radicalement différentes, quelles sont tes inspirations, tes modèles ?
Pour chaque projet, le but est de partir sur un univers différents, histoire de ne pas me cantonner à un seul genre. Mes références sont diverses, elles passent par le jeux vidéo (Metal gear solid, Ico, Shadow of the colossus, Journey etc.), la littérature (K dick, lovecraft…), le cinéma ( Carptenter, Romero, Myazaki…) , et enfin la bd (Mignola, Otomo, Nihei, Moebius …). J’essaye de me nourrir du maximum d’artistes différents.
4. J'ai remarqué durant la lecture des tes titres, que tu apportes un grand soin au fond, proposant souvent des réflexions sur la société actuelle, le sens de la vie dans sa globalité, est-ce que tu articules ton récit autour de ces réflexions, où bien c'est l'histoire qui pousse justement à s’interroger ?! Ses thèmes te tiennent à cœur où bien c'est au feeling ?
C’est toujours les réflexions qui viennent avant l’histoire ou l’univers choisi (qui servira lui plus de décorum qu’autre chose).Si j’écris des histoires, c’est que j’ai justement des idées, des réflexions que je veux pousser au travers de la bd. C’est le vrai moteur qui me donne envie au quotidien de faire ce métier !C’est en tout cas des thèmes fondamentaux pour moi. En particulier vis-à-vis des questions sociétales, c’est une vraie envie de partager mes questionnement avec le lecteur sur tout ces sujets.
* Illustration réalisé par M.BABLET en hommage à Zelda. *
5. Graphiquement on aime ou pas ton style (les gens ont le droit d'avoir mauvais gout), le fait est que j'ai rarement vu des planches avec autant de détails, de la canette de soda qui traîne dans un coin d'une case anodine, jusqu'aux plans plus important mais qui restent toujours truffés de détail. Est-ce une maladie ? Comment en arrive-t-on à ce degré de minutie ?
Disons que dessiner des décors c’est déjà quelque chose que j’adore faire ! Mais là raison à ça vient principalement de mon influence pour le travail de Myazaki. Dans ses films, il y a toujours une extrême minutie dans les décors, de telle manière qu’ils semblent réels, tangibles. C’est le même genre de sensation que j’aimerais que les lecteurs aient en lisant mes histoires. Pouvoir s’immerger complètement dans l’univers, avoir le sentiment d’en faire partie.
* Le Chateau Ambulant de MIYAZAKI, forcément une grosse source d'inspiration. *
6. Je ne t'apprend probablement pas que tu es dans la cour des grands, comment le vis-tu ? On te reconnait dans la rue ? Les femmes te balance leurs petites culottes ? Plus sérieusement, est-ce que le fait de devenir plus chevronné et reconnue te pousse à être plus exigent dans tes nouveaux projets ? L'attente des lecteurs joue-t-elle sur ton travail ?
Ah ah il ne faut pas exagérer ! Je ne sais pas si je suis vraiment dans la cours des grands ! Disons que je commence à avoir la reconnaissance de mes paires, et une plus grande visibilité auprès du public. Et vu comment il est de plus en plus difficile de vivre en tant qu’auteur aujourd’hui, je prend ça pour une chance extraordinaire ! Pour mes projets en tout cas, j’ai toujours été le plus exigeant possible, donc de ce côté là rien ne change. Par contre cette « réussite » m’a permis d’avoir un peu plus confiance en moi, et de proposer des projets plus ambitieux, comme Midnight tales. Quant à l’attente des lecteurs, je ne veux pas y penser. C’est la meilleure manière pour perdre ses intentions de départs, de peur de perdre son lectorat. Je préfère faire des œuvres entières, quitte à ce que ça ne fasse pas l’unanimité.
7. Je sais que tu es en pleine promotion pour "Midnight Tales" qui vient de sortir, mais je suis obligé de poser le traditionnel, "C'est quoi la suite" pour toi ?!
La suite, c’est très logiquement Midnight tales volume 2, puis 3, etc. C’est un boulot assez soutenu que de devoir préparer en continue chaque prochain volume de cette collection. Mais j’arrive quand même à me dégager du temps pour travailler sur mon prochain one shot, une histoire d’anticipation sur la robotique, l’I.A., le transhumanisme… ça va faire à peu près 240 pages, il va donc falloir être patient !
Merci à Mathieu BABLET pour le temps qu'il nous aura accordé, en attendant la suite justement, je recommande vraiment à tout le monde de lire au moins un seul de ses titres, tout d'abord pour prendre une claque visuelle, mais aussi et surtout pour découvrir des histoires très riches et avec du fond.