La Prophétie du Chat Copieur ! (traduction faite maison)
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Je suis un grand fan de Tetsuya Tsutsui, j'ai aimé Duds Hunt, j'ai kiffé Prophecy et j'ai adoré Poison City, mais s'il y a une chose qui me rend frileux c'est bien les suites. Alors quand les éditions Ki-oon nous ont annoncé l'arrivée de Prophecy – The Copycat, je vous avoue que j'étais un peu sur mes gardes.
Takeru, Sota et Kyoko sont trois amis d’enfance qui partagent un rêve commun : celui de quitter au plus vite leur quartier mal famé. Pour eux, violence, alcoolisme et prostitution font partie du quotidien. Les discours de Paperboy, le justicier au visage couvert d’un journal qui promet de se battre pour rendre leur fierté aux plus faibles, ne les laissent pas indifférents. Après l’agression de Kyoko par une bande de voyous du lycée, Takeru et Sota décident de suivre le modèle de l’internaute anonyme. “Œil pour œil, dent pour dent” devient leur nouveau credo, et la mort leur unique sentence…
Après deux volumes parus sur un total de trois prévus, il me fallait revenir sur quelques points importants, bons ou mauvais, avant l'arrivée de la conclusion. Le premier gros risque pris par cette suite, c'est de ne pas être dessinée par Tsutsui. Et à vrai dire après lecture on se demande même à quel point l'auteur a été impliqué dans cette oeuvre, n'est-ce pas seulement un petit coup marketing sur lequel le Tsutsui aurait simplement posé son nom pour faire vendre? On ne le saura sûrement jamais mais avant de balancer des paroles sans fondements penchons-nous plutôt sur la question qui nous tient en haleine : Fumio Obata a-t-il vraiment réussi à faire renaître la flamme de Prophecy, que vaut cette suite?
A première vue, il y a un gros écart d'ambiance entre la série originale et sa suite. Prophecy "premier du nom" faisait de son cadre ancré dans la réalité un atout, la réalité d'humbles personnages qui par leur volonté de faire bouger les choses, un peu de papier journal sur la tête et de la détermination vont avoir un impact sur le monde. Nous retrouvons dans cette suite un cadre de départ similaire mais différent à la fois (oui oui c'est possible), avec encore une fois une immersion dans la misère mais cette fois-ci doté d'un côté "miséricordieux" tout de même bien plus appuyé, cherchant notre compassion à coup de situations parfois lourdes ainsi que d'une violence plus présente et plus montrée. La vrai différence de style se ressent mieux dès lors que l'histoire commence, lorsque nos héros décident de se lancer dans cette aventure. Alors que Prophecy jouait sur ce cadre réaliste The Copycat fait très vit fi des difficultés qui l'embarrasse au profit du spectaculaire. Malgré les efforts de la police pour retrouver nos trois criminels, ces derniers semblent user de moyens bien plus sophistiqués pour arriver à leurs fins. Entre leur site sur lequel les jeunes reçoivent des dons (sans pour autant être traçables...) ou la scène au cours de laquelle l'un de nos héros avoue avoir "piraté la caméra de surveillance" d'un de ses camarades, le niveau de crédibilité du scénario en prend forcément d'un coup quand on se rappelle que nous suivons à la base d'humbles lycéens. C'est dommage car dans Prophecy on savait pertinemment que Paperboy allait se faire chopper tôt ou tard mais c'était pas ça l'important, ce qui comptait c'était la trace qu'ils laisseraient, le message qu'ils auraient réussi à faire passer et non pas cette envie de vengeance fantasmée par l'auteur.
La violence des châtiments semble être montée d'un cran dans cette série, à la mesure de l'univers global dans lequel nous sommes plongés. Nos copycat lors de leurs séances d'exécution publique ne reculent devant rien pour faire payer leurs victimes. Ces scènes, bien plus détaillées qu'elles ne l'étaient de mon souvenir dans la série originale, se dotent de techniques plus proches de l'armée américaine en Irak que de la punition faite par des lycéens en galère. A son issu, les tortionnaires paraissent même finalement plus cruels que les criminels qu'ils tentent de punir tant l'inhumanité de leurs réactions témoigne d'un sang-froid digne des plus grands tueurs en série. Ceci ajouté à l'aspect pécuniaire qui, bien que l'on nous montre que ce ne soit pas la principale motivation de nos héros, dérange tout de même. Tout cela mis côté à côte, on arrive à une série qui a troqué la "poésie" révolutionnaire que pouvait avoir Prophecy pour un simple air de crise d'ado pas fini.
*vous allez trop loin les gars*
Et pourtant, malgré ses défauts Prophecy – The Copycat garde un certain intéret. Malgré sa distance de la série originale, Fumio Obata a le mérite de nous offrir, plutôt qu'une réelle suite, un autre point de vue sur l'oeuvre. Cette nouvelle série a la volonté de témoigner de la porté qu'a pu avoir Paperboy avec ses actions, l'espoir qu'il a fait naitre, mais aussi de nous poser des questions sur les conséquences de ses acte. Nous voyons le modèle se perpétuer en même temps qu'il perd sa nature contestataire. Et si l'aspect antipathique de nos héros était en fait voulu? Et si Fumio Obata avait voulu nous montrer les dérives que pouvait entrainer un tel comportement?
Niveau dessin c'est raccord avec l'univers. Le trait dynamique et peu soigné colle bien avec l'aspect violent sur lequel appuie l'auteur. Ce n'est clairement pas un style que j'affectionne particulièrement mais ça a le mérite de faire le taff. Concernant l'édition c'est encore un beau boulot de la part des éditions Ki-oon qui nous offrent malgré tout un objet de bonne qualitée, justifiée par un prix plus élevé que la moyenne.
Je ne jette pas la pierre aux éditions Ki-oon pour la publication de ce titre puisque j'aurai moi-même été le premier à crier en faveur de la publication de cette suite si j'en avais eu connaissance à l'époque, c'est normal quand on a apprécié une oeuvre de vouloir voir tout ce qui a pu se faire autour. De plus la série n'est pas foncièrement mauvaise, simplement différente bien que clairement moins bonne que la série originale, mais aborde des pistes intéressantes. Malgré ses défauts l'histoire reste sympa à suivre et a le mérite de ne pas faire un simple copier/coller sans apporter sa plus-value. A vrai dire, en tant que fan de Prophecy je reste même curieux de voir comment l'auteur concluera cette aventure.
*"alors en fin de compte t'en a pensé quoi de The Copycat?"*