Le crush de la semaine : Green Blood
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Green Blood est la troisième et dernière série en date du mangaka Masasumi Kakizaki ayant eu droit à une partuion française. On lui doit notamment le dit-on très bon Rainbow (qu'il faudrait que je tente un jour ou l'autre) et le one-shot de renom Hideout. Cette série en 5 volumes fut publiée de juin 2011 à mai 2013 dans le Weekly Shonen Magazine de la Kôdansha. Chez nous c'est aux Editions Ki -oon que vous pouvez la retrouver depuis juillet 2013.
Le mangaka, adepte de la noirceur et l'ambiance sombre que l'on retrouve dans ses autres oeuvres ne change pas ses bonnes habitudes et nous offre avec Green Blood un Western cru dans un cadre historique complet et reposant sur une critique sociale forte.
Manhattan, milieu du XIXème siècle. Des rêves pleins la tête, des milliers de migrants arrivent sur la presque-île de Manhattan avec l'espoir d'une vie meilleure. Mais très vite, l'espoir devient désillusion et de nombreuses personnes se retrouvent sans foyer, c'est ainsi que se créent de nombreux bidonvilles au coeur même de New York. Voici comment fut créé celui de Five Points. Au croisement de Orange Street et Cross Street, Five Points est réputé pour être le pire disctict de la ville, contrôlé par des gangs tyranniques dans un climat de violence et de misère.
C'est ici que vivent les frères Burns. Luke, le cadet exerce le métier de Docker pour faire subsister sa fratrie pendant que son ainé se la coule douce à la maison... du moins c'est ce qu'il pense. En réalité, Brad est membre des Grave Diggers, le gang le plus influent du quartier. Le soir, alors que son honnête frère dors paisiblement, Brad devient Grim Reaper, l'assassin le plus redouté de Manhattan.
Bien que le manga commence sur un beau jour de soleil, les nuages ne tardent pas à venir pointer le bout de leur nez et recouvrir cette joie de vivre pour nous plonger dans les bas fonds de Five Points. Très vite, l'auteur nous présente un quartier plus obscure qu'on ne le croirait, géré par derrière par les différents gangs de la villes eux-mêmes soutenus par une police corrompue. Entre prostitution, misère, criminalité et guerre de gangs, Five points est bien loin de l'illusion que se faisaient tous ces migrants happés par le rêve américain.
C'est dans ce décor menaçant que prend lieu l'histoire des frères Burns. Avec ce style sombre et pointilleux, Masasumi Kakiazki nous immerge dans un far-west à en faire palire Clint Eastwood. Nous retrouvons avec plaisir cet univers si apprécié du cinéma et que Green Blood nous fait redécouvrir sous un angle assez peu vu, appuyant là où ça fait mal. Très vite, la quête qui animera ces volumes se dévoile devant nos yeux ébahis : une quête de vengeance. C'est cette vengeance qui anime Brad (alias Grim Reaper pour les intime), la vengeance envers un père qu'il est prêt à tout pour tuer, même à devenir le tueur à gage numéro 1 du gang qu'il a lui-même fondé.
Green Blood arrivera en 5 tomes à nous faire vivre cette course poursuite à la recherche de leur père sans y passer par quatre chemins. Nous serons transportés du début à la fin sans un seul instant de repos, passant d'une péripétie à une autre avec une maîtrise déconcertante. Chaque passage a son utilité et rien n'est laissé par hasard. Bien entendu, je sais ce que vous attendez tous : qui dit wertern dit affrontements ou même duels. Mettez de côté vos duels hollywoodiens sur la place du village, sous un grand soleil d'été, chacun attendant l'instant propice à dégainer son arme... Ici c'est pas "réglement de comptes à ok corral", Green Blood nous offre des duels bien plus profonds et reposant sur des sentiments souvent très forts, amenant à de multiples questions sur les notions de la vengance et la justice : La vraie justice existe-t'elle? Peut-on tuer quelqu'un s'il a lui-même tué? Nous revenons même plus largement à des questions ramenant au débat sur la peine de mort. Mais avant tout, les combats sont classes et bon dieu que ça pète de badassitude dans tous les sens à chaque fois que Grim Reaper se pointe!
Comme nous l'avions vu tout à l'heure, le manga nous plonge dans les Etats-Unis du XIXème siècle, à l'époque de la conquête de l'ouest. Les migrants arrivants par bateaux aussi pleins que leurs têtes le sont de rêves se retrouvent très vite rappelés à la réalité en découvrant les bidonvilles tels que celui de Five Points auxquels ils sont voués. Green Blood est un témoignage de la misère qui régnait à cette époque. Cette facette peu glorieuse des Etats-Unis du XIXème siècle est habituellement assez peu montré dans les western. Il faut croire qu'ils attendaient l'arrivée de Masasumi Kakizaki, maître de l'horreur, pour témoigner de l'indigence comme il le fait si bien.
L'auteur ne se contente pas de nous concocter une tambouille d'abomination et de malheur, de mettre tout ceci dans le mixeur et de nous servir le tout pour nous donner l'illusion d'une pseudo Amérique de l'époque. L'oeuve est au contraire documentée jusque dans les moindres détails, nous offrant un cadre très réaliste justifié par des décors époustouflants. Nous retrouvons même dans les derniers volumes le conflit entre indiens et colonialistes, attestant de la trahison et la cruauté dont ont fait preuve ces derniers. Pour étoffer encore une fois de tout ceci et nous donner quelques précisions sur le cadre, l'auteur n'hésite pas à nous offrir quelques précisions historiques très intéressantes entre les chapitres.
En plus d'un très bon western, Green Blood se trouve être un manga historique à ses heures perdues et même plus, témoignant des revers de la colonisation des Etats-Unis.
Brad et son frères sont des besogneux comme tant d'autres, mais grâce à la seconde identité de ce dernier ils ont le moyen de faire entendre leur voix. Lui, première victime de ce système injuste a le pouvoir de se venger en faisant payer leurs crimes à ceux qui abusent du leur. A travers leurs yeux, nous sommes témoins de la cruauté, de la misère humaine et de la hiérarchie injuste qui laisse les pouilleux plus bas que terre. Les frères Burns nous montrent que chacun peut changer son destin, chacun peut faire entendre à sa voix et que rien n'est immuable.
Brad, ou plutôt Grim Reaper, est un bourreau. Il rétablit la justice à coup de balles dans la tête. Est-ce la bonne solution? Je ne suis pas sûr qu'il ait l'occasion de se poser la question. Dans la situation dans laquelle il se trouve, il n'y a pas vraiment d'autre solution que la loi de la jungle pour surivre. Tu as tué, tu es tué. Dans ce cas, ayant lui-même tué, Grim Reaper mériterait donc sa propre sentence. Mais ce dernier en est bien conscient et c'est en cela que l'oeuvre est bien plus profonde qu'elle n'y parait. Derrière la violence et l'horreur, Green Blood nous fait réfléchir au concept même de justice, de vengeance ou encore à notre société en général et c'est ce que j'ai tant apprécié dans cette oeuvre!
Comment parler de Masasumi Kanzaki sans évoquer son univers si sombre. Je vous avoue que je suis moi-même pas un grand fan des oeuvres au style si menaçants... Regardez mes autres crush si vous ne me croyez pas, mes derniers coups de coeurs furent Spice & Wolf, Bakuman et Mushishi... Ça en dit long sur mes préférences! Néanmoins, l'auteur a tout de même réussi à me transporter dans son histoire et me la faire vivre à 200%. Le dessin, bien qu'assez morose au premier abord se trouve être simplement magnifique en y regardant de plus près. Tous ces décors si minutieusement réaliste, ces prises de vues transmettant l'action à son maximum et ces jeux de lumières maîtrisés à la perfection contribuent à donner à Green Blood un univers unique et entraînant. Nous nous retrouvons tout le long de notre lecture face à des tableaux à nous couper le souffle tant c'en est beau! Même au niveau des scènes d'action, c'est dynamique et soutenu par des prises de vues à en rendre jaloux les meilleurs réalisateurs hollywoodiens. Enfin bref, niveau graphique, Green Blood c'est vraiment magnifique et ce serait bête de faire l'impasse sur une oeuvre comme celle-ci à cause d'un à priori sur la noirceur de son univers.
Green Blood c'est simplement du très bon manga. En seulement 5 volumes, vous avez droit à une histoire complète et dynamique dont la beauté graphique n'a d'égal que sa profondeur. Tout est si bon dans ce western jusque dans les scènes d'actions (et Dieu sait que c'est primordial dans tout bon western). Après, si les cadavres et la violence c'est vraiment pas ton truc et que t'es plus attiré par les histoires à l'eau de rose (déjà comment t'es arrivé sur cette chronique?!) c'est sûr que tu risques de ne pas trop accrocher. Mais si tu cherche de l'action badass, de la profondeur (c'est marrant comme ces deux termes ne vont pas du tout ensemble, et pourtant...!), un témoignage poignant et tout simplement une histoire très bien ficelée, tu sais ce qu'il te reste à faire!
Je profite de ce crush pour vous annoncer si vous ne le savez pas encore que la nouvelle série de Masasumi Kanzaki a été très récemment annoncée aux éditions Kaze, ça s'appellera "Bestiarius" et ça risque d'envoyer du très très lourd une fois encore!